Introduction

La densité de ce titre, qui lie l’indissociabilité du couple transfert-interprétation à la transmission PRL, veut rendre compte de certaines réalités de notre engagement PRL.
La première réalité est que notre parcours PRL commence réellement le jour où, dans notre formation, nous prenons conscience, à travers notre clinique, de la réalité du transfert ; à savoir que les représentations que le patient agit (agite parfois) sous nos yeux, quelle qu’en soit leur nature et leur élaboration, nous sont adressées parce qu’elles ont la coloration de l’investissement qu’il fait de notre personne et s’organisent autour de la place qu’il nous assigne dans la relation. Et le véritable processus de formation s’engage à partir du moment où nous comprenons que ce que l’enfant fait ou dit exige de notre part un accueil, nécessite un signe, un geste, une parole qui soutienne l’échange et marque notre reconnaissance d’un sujet à travers ses tentatives de se représenter et de dire son rapport au monde.
Ces découvertes faites nous n’en avons plus jamais fini avec cette réalité car on mesure à chaque fois que ce qui va advenir dépend de notre capacité à faire en nous du vide, de la place pour que l’autre puisse s’y installer et faire sens, Notre interprétation est toute entière dans la manière dont nous concevons ce qui nous est adressé. L’interprétation est dans ce renoncement à quelque chose de nous même pour qu’advienne la parole d’un autre. Nous savons, en particulier, qu’il peut y avoir des situations relationnelles douloureuses, que nous pouvons être l’objet de projections violentes, ou portés par des sentiments négatifs, voire de rejet et il est extraordinaire deconstater que nous dépassons, à chaque fois, ces prises à partir du moment où nous parvenons, nous, à modifier quelque chose de notre ressenti, en lui restituant son véritable sujet.
L’évolution du positionnement en PRL se fait au rythme de l’évolution du transfert. Notre accueil, nos réponses ou écarts par rapport à ce qui se projette, vont peu à peu permettre à celui qui formule de prendre conscience de qui il est en réalisant ce que nous ne sommes pas. Et la fin du travail réside justement dans la capacité du patient à percevoir, accepter et tenir compte du fait que celui à qui il s’adresse non seulement pense, mais pense autrement. L’accession du sujet au langage en tant qu’acte marqué du sceau dialogique est donc dans la résolution du transfert, même si nous avons l’expérience ça et là de transferts qui perdurent dans le temps.
Enfin, l’entrée en PRL s’accompagne le plus souvent de la question de la différence entre acte PRL et psychothérapie analytique, avec le sentiment parfois qu’en étant PRL on empièterait sur un domaine qui n’est pas le notre. Ces questions, qui animent fréquemment les séminaires de formation, cessent d’être une préoccupation une fois qu’est accepté et vécu sans trop d’anxiété le fait que le langage, qui est à la fois selon la formule de Chassagny « le moyen et le but de notre action », est et reste quoi qu’on fasse de l’ordre d’une interprétation puisque nous ne formulons que ce que nous croyons avoir compris de ce qui nous est adressé et que ce que nous avons compris est le reflet de notre intention propre.
Il s’agit en PRL de faire avec, non pas tant avec l’autre, mais avec ce qu’il agit, produit, ce qu’il nous apporte et les places qu’il nous attribue, L’important dans ce qu’il nous adresse n’est pas ce qui l’a amené à le faire, mais qu’il puisse s’y reconnaître sujet. Or un sujet s’éprouve par contraste disait Benveniste et n’est sujet que celui qui est reconnu comme tel ajouterait Marie Balmary. C’est dans cet espace, entre reconnaissance et contraste, que se joue transfert et interprétation en PRL. Claude Chassagny écrivait : « Dans notre travail, il faut qu’il y ait confrontation du discours de l’adulte avec celui de l’enfant de façon à ce qu’ils soient comparables ». L’éthique PRL c’est en quelque sorte s’autoriser à penser, évoquer, dire, dans le but de prononcer à l’intention de l’autre la « polysémie » que ses productions évoquent en nous. Chassagny ajoutait « On a souvent dit que la projection pouvait être libératrice. Mais je crois qu’elle ne peut l’être qu’à une condition : il faut que la parole de l’enfant soit reprise par son vis-à-vis pour l’utiliser à un autre niveau en dehors de lui-même, et pas seulement pour lui en donner le sens ».

Jacques Dupressy, formateur itecc
Septembre 2011