Conditions de l’éducation

De plus en plus fréquemment, l’orthophoniste est convoqué en place d’éducateur de l’enfant, au secours de la famille ou de l’institution scolaire qui s’en fait volontiers un auxiliaire voué à pallier ses défaillances.
A ce titre, cet ouvrage collectif qui apporte une réflexion sur les pratiques éducatives en lien avec l’évolution de la société ne peut que concerner le clinicien soucieux de cerner le champ de sa pratique, ou tout simplement de prendre quelque recul par rapport au discours ambiant sur la faillite du système éducatif, la perte des repères, de l’autorité, etc.
Il s’agit pour les auteurs de proposer un diagnostic : « ce sont les conditions de possibilité même de l’entreprise éducative qui se voient remises en cause par l’évolution de nos sociétés » ; en quoi l’institution scolaire est face à un défi majeur, en réponse à des transformations sociales profondes.
Quatre grandes parties sont développées :
• La relation famille/école.
L’alliance traditionnelle entre la famille et l’école s’est rompue : la famille tend à se décharger sur l’école de son rôle de socialisation, tout en contestant « celle-ci et ses règles institutionnelles au nom de ses propres valeurs affectives ».
• Le sens des savoirs.
L’évidence de la valeur intrinsèque des savoirs n’est plus de mise : comment transmettre alors la culture et la connaissance ? « Permettre l’appropriation personnelle, du côté de l’élève, tout en lui rendant sensible et intelligible cette précédence des savoirs qui s’imposent à lui : la quête de ce difficile équilibre est ce qui pourra donner sa pleine justification à la fonction médiatrice de l’enseignant ». Un projet très proche de celui de la Pédagogie Relationnelle du Langage de Claude Chassagny, autour de ce qu’il appelait « la conciliation ».
En annexe : la question du sens dans les enseignements littéraires et scientifiques.
• La fonction de l’autorité.
La « crise de l’autorité » est un thème largement débattu, souvent associé à une nostalgie d’un âge d’or mythique de l’enseignement. Pour les auteurs, il y a eu confusion entre l’autoritarisme dans l’école, et l’autorité dont elle ne peut se passer pour mener à bien sa mission.
L’autorité y est définie comme à la fois comme représentative (d’une institution qui la dépasse, et à laquelle elle est elle-même soumise), et incarnée : il lui est « consubstantiel d’être attachée à une individualité », elle est toujours personnifiée, et c’est pourquoi elle se délègue si difficilement.
En annexe : esquisse d’une histoire des critiques de l’autorité en éducation.
• L’articulation société/école.
« Les sociétés modernes ont besoin d’éducation, c’est un de leur trait distinctif. Leur mode de fonctionnement exige une formation de leurs acteurs assurée par un appareil spécialisé, appareil dont l’importance n’a cessé de croître. Le problème est qu’en se séparant de la sorte, la préparation à la vie sociale a fini par perdre celle-ci de vue ». Dès lors, la question est : « A quoi au juste prépare l’école ? Quel est le contenu réel de l’expérience de l’enfant dans le monde cloisonné où il évolue ? ». Une large place est faite dans cette partie aux travaux du « principal fondateur du courant de l’Éducation nouvelle, John Dewey ».

L’abord de ces différents thèmes se fait essentiellement sous l’angle sociologique ; quelques liens sont fait avec des concepts psychanalytiques, mais restent peu développés (et souvent assez critiquables).
L’intérêt majeur de cet ouvrage est de replacer le débat dans une perspective historique, avec cette question centrale : quelle est la place de l’enfant, citoyen en devenir, dans « l’appareil » éducatif actuel ?
En quoi c’est bien, encore une fois, de subjectivité dont il est question.

Par Gilles GUERIN, orthophoniste PRL, formateur itecc